Marie Camille Lomon et le 31e BCP

28/11/2008

Une biographie de Marie Camille Lomon rédigée par son fils Maurice et annotée et illustrée par son petit-fils Christophe

[Novembre 2008 : La France commémore les quatre-vingt-dix ans de l’armistice de la « Grande Guerre » et je me rends compte que nous avons, à portée de main, des sources premières, vivantes, brûlantes, celles dont les historiens raffolent… Ces sources restaient sous-exploitées alors que la recherche historique est gourmande, gourmande…


Pour rédiger cette « bio », je suis parti d’un simple, mais copieux, 4ème de couverture, écrit par Maurice Lomon, retraçant, dans les grandes lignes, le parcours de son père, qu’il vénérait comme un Saint, Marie Camille Lomon.

Ensuite, je suis allé sur de sérieux sites de mise en partage d’informations sur 1914-1918, qui ont une réactivité digne des meilleurs chasseurs. En quelques heures, un compagnon d’armes m’a dégainé deux citations (« militaires », pas littéraires) sur l’officier Lomon…


Suite à ma visite à Bar-le-Duc le 11 décembre 2008, mon frère, Max Lomon, m’a sorti, de dessous les fagots, un livret que Maurice Lomon, notre père, lui a dédicacé « affectueusement ». Il recèle une mine étonnante d’informations sur le parcours militaire de Camille Lomon. Ce texte manuscrit est incroyablement précis et détaillé. Il nous pose une série de questions de méthodologie : quelles sont les sources ? qui les a exploitées ?

Mars 2011, le dossier militaire, archivé à Vincennes, est désormais consultable!

Je m’y suis rendu pour relever un nombre considérable d’informations précieuses. Ces « mises à jour 2011 » sont visibles dans ce site grâce au code couleur bleu.

Novembre 2013, mon frère Nicolas me fait parvenir les scans d’un cahier de notes daté de janvier 1915, notes qui portent sur une période très courte. Les jours de juillet qui précèdent l’entrée en guerre et les premiers jours d’août.  Le manuscrit original est pour sa part allé rejoindre le dossier militaire de Marie-Camille Lomon à Vincennes où nous avons choisi de le rendre consultable par le public. Le contenu de ce cahier sera publié ici dans les meilleurs délais…

La recherche est sans fin et tant mieux ! C’est une enquête qui s’enrichit d’elle-même. Elle interpelle les plus jeunes générations arrivées après « nous ». Celles qui se questionneront et se réjouiront de ne pas trop peiner à trouver des réponses à leurs premières questions… alors que nous… continuons encore notre enquête… ]

A toutes fins utiles, merci de bien vouloir lire le Guide de lecture de ce blog en suivant ce lien.

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[Silhouette, non datée, de MC L, © ChL]


*

*     *


[Les années d’enfance et de formation

Fils de Nicolas Eugène Lomon et de Julie Royer, Marie Camille Lomon est né le 16 août 1880, à Autreville sur la Renne. [pour le détail, merci de suivre ce lien]


Marie Camille Lomon, soldat du rang et sous-officier (1900-1906) [pour le détail, merci de suivre ce lien]


Engagé volontaire pour trois ans et incorporé au 122e Régiment d’Infanterie à Montpellier à compter du 17 octobre 1900. Caporal le 21 avril 1901. Sergent fermier faisant fonction de Sergent major le 20 janvier 1902.

La forêt ou l’armée ?

Vers le mois d’Avril 1902, il reçoit une lettre du Directeur de l’école des Barres l’avisant que les dispenses d’âge pour entrer à cette école avant 25 ans – âge légal – étaient supprimées et que devant cette décision, il avait le choix de rester dans l’armée active jusqu’à la date de son admission à l’école afin d’éviter une interruption des services militaires et forestiers ou d’accepter d’entrer au service de l’administration en qualité d’employé civil dans un bureau d’agent, percevant un salaire journalier misérable…


Ce fut un coup dur, brutal, inattendu pour le jeune sergent, voyant ses projets d’avenir compromis et souffrant de la mesure administrative illégale dans ses effets rétro-actifs qui tuait la vocation impérieuse le poussant vers la Forêt à qui son père et son grand-père avaient consacré leur existence… Il opte pour l’Armée !

Rengagé pour deux ans, avec peine, le 20 août 1903, à compter du 15 octobre suivant, puis engagé pour trois ans à compter du 15 octobre 1905. Sous-officier, ses dispositions naturelles lui ouvrent, quelques années plus tard, les portes de l’Ecole Militaire de Saint-Maixent, le 2 avril 1906, d’où il sort en 1906 avec le grade de sous-lieutenant. Classé 81ème sur 191.

Le jeune officier (1907-1914) [pour le détail, merci de suivre ce lien]


Promu Sous-Lieutenant le 1er Avril 1907 [au 79e R.I]. Par décret en date du 25 mars 1909, M. le Sous-Lieutenant Lomon a été promu au grade de Lieutenant, pour prendre rang du 1er avril 1909.

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[voir les photos du 79e RI à Nancy sur le site de François Munier]


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[par le plus grand des hasards, cette caserne est aussi le lieu où j’ai effectué mes « trois jours », dans la seconde moitié des années 80, peu avant que la conscription ne soit définitivement supprimée, sous la Présidence de Jacques Chirac, au profit d’une armée de métier.]

Affecté au 31e Bataillon de Chasseurs à Pied par Décret Militaire du 9 juillet 1913 à Corcieux.

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L’entrée dans la guerre, sa blessure [pour le détail, merci de suivre ce lien]


C’est comme Lieutenant qu’il est détaché avec ses frères d’armes du 31e Bataillon des Chasseurs à Pied le 2 août 1914 sur le Front de l’Ouest.



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[plaques d’identification portées au cou et au poignet.

L’une des deux [médailles ou parties de médaille, visiblement découpable ?] restait sur le corps et la seconde permettait de renseigner la mort du combattant. © ChL]


Blessé le 23 août 1914 au combat de Pexonne, pied droit écrasé par un éclat d’obus, il est évacué.



Il doit quitter le commandement armé pour devenir officier d’Etat-Major, notamment de la VIIIème armée en occupation en Allemagne.


L’officier d’État-Major (1915-1918) [pour le détail, merci de suivre ce lien]


Promu Capitaine par décret du 2 juillet 1915 (J.O. du 3 juillet 1915), il est détaché à l’État-Major de l’Armée de Lorraine, Q.G.A. à Saint-Nicolas puis à Tantonville.

Détaché à l’E.M. de la (nouvelle) VIIIe armée, Q.G.A à Tantonville puis à Flavigny-sur-Moselle.

[L’officier d’État-Major (brassard) © ChL]

[Ordre de service N° 4450 -6/11. Le Ministère de la Guerre informe M. Lomon, Capitaine au 31e BCP qu’il est détaché à l’État-Major du détachement d’Armée de Lorraine (Section du Courrier)… M. le Capitaine Lomon se rendra à son poste, dans le plus bref délai possible, par la gare régulatrice de Gray. Cette lettre lui servira de titre dans l’exercice de ses fonctions. Paris, le 10 juillet 1916].


Évacué sur l’hôpital d’armée n° 1 à Saint-Nicolas-de-Port (peste) le 13 octobre 1918.

Sorti le 30 octobre et parti à cette date en convalescence à Goncourt, qu’il quitte le 11 novembre 1918 (armistice) pour rejoindre en toute hâte l’EMA VIII qui se porte sur le Rhin avec ses grandes unités, par Saverne (du 18 au 23 novembre) et Haguenau (du 24 novembre au 1er décembre 1918).


L’Officier d’État-Major en Allemagne occupée (1918-1922), [pour le détail, merci de suivre ce lien]

En occupation en Rhénanie (Palatinat) à compter du 2 décembre 1918, Q.G.A Landau.

Détaché de l’EMA à Spire, siège du gouvernement provincial bavarois, en qualité de Chef de ravitaillement des populations civiles du Palatinat à compter du 13 mars 1919.


Affecté à l’EM de l’armée du Rhin, 4ème Bureau, le 12 octobre 1919 et maintenu dans ses fonctions à Spire.


Rappelé à l’EM A.F.R. 4ème Bureau Ravitaillement puis mobilisation, le 20 mai 1920 à Mayence.


Il se marie à Harréville-les-Chanteurs, le 6 août 1921, avec Lucie Drouot. [pour le détail, merci de suivre ce lien]


Présenté le 13 janvier 1922 devant la Commission spéciale de Réforme, siégeant à Strasbourg, qui propose au Ministre son maintien à l’activité, son classement au nombre des inaptes à l’infanterie, avec une pension définitive au taux de … 20% !


Affecté à l’EM de l’infanterie par D.M. du 29 avril 1920 et maintenu à l’EM de l’armée du Rhin, en continuant à porter son uniforme de Chasseur à pied du 31ème Bataillon.


Retour en Lorraine, les années spinaliennes : 1922- 1934 [pour le détail, merci de suivre ce lien]

Par suite de la relève des officiers de l’EM A.F.R prescrite par le Maréchal Pétain, il est détaché à l’EM de la 11ème Division d’Infanterie à Epinal, à compter du 3 mars 1922 et maintenu sur place pour assurer la liquidation de cette Division appelée à occuper la Ruhr.


Affecté au 149e R.I. à Epinal par D.M. du 8 décembre 1922.


Affecté provisoirement au 27e Régiment de Tirailleurs Algériens à Epinal à compter du 15 novembre 1923 et détaché en qualité de Directeur du Centre de Préparation Militaire supérieure et d’Instruction des Officiers de Réserve du Département des Vosges, créé à Epinal, moins l’arrondissement de Neufchâteau.


Affecté au 17e Régiment des Tirailleurs Algériens et maintenu dans son emploi par D.M. du 21 novembre 1928.


Promu Chef de Bataillon par Décret du 21 décembre 1929 et maintenu à l’EMPI, service de la P.M.S. et de l’I.O.R. de la 20ème Région.

Affecté au 21e Régiment des Tirailleurs Algériens. 


La Retraite de Lorraine : entre Épinal et Harréville-les-Chanteurs (1927-1940) [pour le détail, merci de suivre ce lien]

Admis à la retraite sur sa demande (forcée) par application de l’article 146 de la Loi du 31 mai 1927 sur le dégagement des cadres, mettant à la porte les blessés inaptes à un commandement actif, à compter du 16 novembre 1933 et promu à cette date Chef de Bataillon de réserve.

Se retire à Épinal, 15 rue de Nancy puis à Neufchâteau, 21 rue Neuve, le 20 octobre 1934.


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Rappelé à l’activité par convocation des réservistes, fascicule 2 et rejoint Epinal le 25 septembre 1938. EM de la Place d’où il est détaché, le 30 septembre 1938 pour aller rétablir une situation difficile et dramatique du Centre de Mobilisation de Pouxeux.


Libéré le 11 octobre 1938.

Rappelé à la mobilisation générale du 2 septembre 1939 et prend le même jour à Nancy les fonctions d’adjoint au Directeur des Services de la Préparation Militaire élémentaire et supérieure, de l’éducation physique de la 20ème région.


Affecté au contrôle des affectés spéciaux, pour récupérer les embusqués, en qualité de Président de la commission départementale de contrôle pour le Meurthe-et-Moselle à compter du 16 février 1940.

Évacué sur l’hôpital militaire Sédillot à Nancy le 24 février 1940, sorti le 12 mars 1940 et part en convalescence un mois à Neufchâteau.

Évacué sur l’hôpital complémentaire du Collège de Garçons de Neufchâteau.


Entré le 12 et sorti le 24 avril 1940. Présenté devant la commission de Réforme d’Epinal le 30 avril 1940 et proposé pour la mise en non-activité pour informités temporaires (!) décision que le Ministre de la Guerre n’a pu rendre et n’a jamais été notifiée…


Devant l’avance allemande, et se considérant comme toujours en activité, il quitte Harréville avec sa famille pour gagner un abri et ne pas tomber aux mains de l’ennemi, mais ne peut franchir la Marne devant Langres, séjourne à Montigny-le-Roi et peut enfin regagner son domicile après 17 jours de vie aventureuse et combien attristante.

Quelques jours après, il trouve son appartement gravement détérioré par les effets de deux bombes éclatées à peu de distance et… mis à sac.

De ce fait, il a fallu s’installer définitivement à Harréville, récupérer le mobilier en perdition à Neufchâteau, subir les misères, les privations et les laideurs de l’occupation et de la libération, puis prendre sa bonne part des soufffrances, déceptions et lourdes charges d’un peuple ruiné, aveuglé, démoralisé par de farouches luttes partisannes et se livrant à des expériences politiques et économiques désastreuses…


L’heure de la retraite


A la retraite, Camille Lomon ne reste pas inactif pour autant et dirige le comité d’assistance aux prisonniers de guerre – « …ces soldats qui se battent encore… » et dont il s’occupe avec soin et un zèle reconnus et appréciés de tous.


Parallèlement à ces occupations officielles, il franchit de nombreuses fois la porte de la Mairie où le Secrétaire (presque perpétuel) et les Maires successifs lui ont toujours réservé le meilleur accueil pour faciliter sa recherche permanente des éléments qui lui ont permis de réconstituer le passé de son village. [Maurice Lomon fait ici allusion à la monographie écrite par Camille Lomon et que ses deux enfants publièrent à titre posthume : Poussières du passé. Harréville-les-Chanteurs et le Prieuré Saint-Calixte. Imprimerie Christmann – Essey-lès-Nancy, 2001.]


Nommé Président du Comité cantonal du Souvenir Français de Bourmont, il lance le projet d’un monument à la mémoire des héroïques tirailleurs du  12e RTS [Régiment des Tirailleurs Sénégalais] tués au combat. Il sera  inauguré le 6 juillet 1958 avec tout le recueillement et la solennité voulus.


Au cours d’une ultime balade dans les rues familières de ce village d’Harréville qu’il a véritablement aimé, Camille Lomon est terrassé par une crise cardiaque au cœur du pays : il vient de terminer son histoire à lui…


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C’était le 16 septembre 1960.

14/07/2020

Nouveau : Publié dans les archives de Vincennes et Pierrefitte/Seine.

Filed under: Occupation de la Rhénanie-Palatinat — chrislomon @ 8:59

L’Officier en Allemagne occupée (1918-1922)

ETAT GENERAL DES FONDS PRIVES DE LA DEFENSE CONSERVES A VINCENNES, SOUS-SERIES DE 2007 A 2014 PA 156 Cote DE 2012 PA 30 Nom du fonds Alain Giletta Dates extrêmes 1918-1920

Importance matérielle 1 dossier ; 0,07 ml Nom du producteur Camille Lomon

Notice biographique Camille Lomon a été soldat de l’armée du Rhin, en poste en Rhénanie-Palatinat de 1918 à 1920.

Modalités d’entrée Don spontané d’Alain Giletta, chercheur sur l’histoire de la présence française à Trèves et en Allemagne, en mars 2012 Présentation du contenu Les archives de Camille Lomon sont constituées de notes et des rapports sur l’organisation administrative du Palatinat, de rapports sur le mouvement paysan (associations paysannes, grèves, vignerons) et de coupures de presse. Conditions d’accès Sans réserve Instrument de recherche Non Catégorie Entre-deux-Guerres et Deuxième Guerre mondiale.

 

et

Deuxième édition électronique Archives nationales (France) Pierrefitte-sur-Seine 2015

Importance matérielle et support 75 cartons, 9 mètres linéaires

Localisation physique Pierrefitte-sur-Seine Conditions d’accès Librement communicable sous réserve du règlement de la salle de lecture

 

https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/ir/pdfIR.action?irId=FRAN_IR_054075

16/12/2019

Camille Flammarion, par lui-même

Filed under: Biographie — chrislomon @ 10:32

Dans son autobiographie « Mémoires biographiques et philosophiques d’un astronome » (1911, pp. 11ss ; 49ss), l’écrivain et astronome Camille Flammarion revient sur son ascendance paternelle puis maternelle, Lomon . Il titre son premier chapitre :
 » I. Naissance. – Famille. – Pays. – Histoire et géographie de l’arrondissement de Langres. Les Lingons et les Romains. – Origines romaines et bourguignonnes. Mes ancêtres depuis huit générations. – La prétendue hérédité intellectuelle. »

memoires

 

[extraits]

« Aussi loin que l’on a pu remonter dans ma généalogie, on voit qu’elle appartient en propre au pays, et l’on n’y trouve que des agriculteurs (*) [(*) à l’époque de ma naissance, mon père et ma mère tenaient un petit commerce de draperie, de mercerie, d’objets usuels, mais pendant son enfance et sa jeunesse, mon père n’avait pas quitté les champs son père était cultivateur, et le père de ma mère était vigneron. Comme curiosité, voici la liste de mes ancêtres paternels depuis l’époque où des registres communaux ont été tenus (sous Louis XIII)

[Ascendance paternelle]

Père Etienne-Jules Flammarion, né en 1810, mort en 1891.
Aïeul Jean-Isidore, né en 1777, mort en 1854.
Aïeule: Joséphine Chkmin (1784-1854).
Bisaïeul Jean-Noël Flammarion, 1748-1806.

4* ascendant Jean, né en 1730.

5« – Claude, né en 4707.

6 – Estiennc, né en 1682.

7 – Claude, né en 1654.

8 – Mathieu, né en 1619.

Tous agriculteurs sur le territoire de Montigny ou de la commune voisine, Récourt. Au temps d’Henri IV, mort en 1610, mon 9e ascendant habitait cette commune:
encore aujourd’hui dans les environs de Montigny (notamment la patriarcale famille Flammarion d’Audeloncourt, qui règne là depuis plusieurs siècles).
Je suis donc fils de campagnards, véritable enfant de la nature.]

[Ascendance maternelle]

Mère Françoise Lomon (1819-1905).
Aïeul Nicolas Lomon, vigneron et meunier (1791-1873).
Aïeule Marguerite Lomon (1788-1877).
Bisaïeul François Lomon, propriétaire (1761-1830).
Bisaïeule Françoise AUBERT (1745-1844).
Trisaïeul Joseph Lomon, greffier de la haute justice et seigneurie d’Illoud (XVme siècle).
Tous propriétaires sur le territoire d’Illoud, près Bourmont, à 24 kilomètres au nord de Montigny.

Dans un article de biographie écrit sur moi en 1866, par le juge de paix de Montigny,
M. Lâpre, et publié dans les journaux de Chaumont, l’auteur qualifie ma famine comme représentant « la petite bourgeoisie ». C’est également vrai.
Mon père et ma mère ne s’occupaient plus de culture que pour de petites propriétés personnelles, prés ou champs servant à l’entretien de la maison, et leurs relations étaient choisies parmi les notabilités de l’endroit, le curé, le maire, le médecin, l’instituteur, le notaire, le juge de paix, et deux ou trois familles dé propriétaires.
Ma mère avait plutôt des tendances aristocratiques, et me défendait de jouer avec les, enfants du commun. Elle pensait que son premier-né devait avoir une destinée intellectuelle toute spéciale et une glorieuse carrière. Elle était très soigneuse de ma petite personne et tenait essentiellement à me voir rester parfaitement propre, physiquement et moralement. A l’époque de ma naissance, elle était une belle jeune femme de vingt-trois ans, petite, brune, admirablement constituée, et d’une activité infatigable. Mon père avait trente-deux ans et se montrait également doué d’une solide constitution. »

 » J’ai dit plus haut que ma mère avait des goûts un peu aristocratiques et rêvait pour moi une situation non vulgaire. Le seul fait d’avoir montré un phénomène céleste à ses enfants indique déjà en elle une supériorité intellectuelle. Il est probable que, dans tout le pays, elle est la seule qui ait donné cette leçon de cosmographie. Mais, comme caractère, elle était très pratique, se contentant, d’ailleurs, du cadre des enseignements de l’Église, et il serait diflîcile de trouver un rapport d’atavisme entre son esprit et le mien. Mes parents tenaient à ce que je reçoive une solide instruction; mais ils tenaient surtout à une éducation sévère. Le respect des parents, l’obéissance, le sentiment du devoir, l’honnêteté absolue dans les plus petites choses étaient des principes sans discussion possible. Les anciennes moeurs de la province se continuaient. Les enfants ne devaient pas manquer de souhaiter les fêtes, de réciter des compliments, d’écrire aux aïeux. Ces lettres de fêtes, ces devoirs envers les parents et les directeurs de la vie, je les ai toujours ponctuellement accomplis, jusqu’à vingt, trente ans et plus, et, en fait, jusqu’à la mort des anciens. »

[Fratrie]

Je suis l’aîné de quatre enfants, dont la naissance a été échelonnée d’abord de deux en deux ans ma sœur, Mme Berthe Martin, née en 1844; mon frère Ernest [ Ernest Flammarion sera le quatrième d’une fratrie de six enfants.  Il débute en 1867 comme employé dans le commerce de librairie de M. Didier à Paris grâce à la recommandation de son frère Camille.vErnest doit sa célébrité à la maison d’édition qu’il fonde en association avec la librairie Charles Marpon en 1876, les éditions Flammarion-Marpon, sises galeries de l’Odéon et Rue Racine à Paris. La réussite de cette entreprise est due au succès commercial de L’Astronomie populaire, livre de son frère qu’il publie en 1878 et qui devient un best-seller en cette fin du xixe siècle. source Wikipédia].

, né en 1846, et plus tard, ma seconde sœur, Mme Marie Vaillant, née en 1856. Pressé d’entrer dans la vie, sans doute, je suis né à sept mois. Les circonstances ont voulu que, depuis ce moment, j’aie continué d’être extrêmement pressé, poussé en avant par les événements, regrettant, chaque jour, que le temps passe aussi vite, sans permettre de faire la moitié, le quart, le dixième de ce que l’on voudrait faire.

On me donna comme second prénom celui de Nicolas, nom de mon grand-père. Le même fait était arrivé pour le chanoine Copernic, fils d’un boulanger polonais, ancêtre des astronomes modernes, nommé également Nicolas, du nom de son grand-père.
Il me semble que les affirmations des physiologistes relatives à l’hérédité intellectuelle ne sont pas justifiées, et, pour ma part, il m’est impossible d’y souscrire, étant la preuve vivante du contraire.

Aussi loin que je puisse remonter dans mes souvenirs, je me vois étudiant, travaillant, cherchant, sans jamais avoir pu m’intéresser un seul instant à un but matériel.
Apprendre, apprendre sans cesse, pour le seul plaisir de savoir, a toujours élé la passion dominante de mon esprit. A quatre ans, je savais lire; à quatre ans et demi, je savais écrire; à cinq ans, j’apprenais la grammaire et l’arithmétique; à six ans, j’étais l’élève le plus fort de ma classe. Il y avait deux classes à l’école communale la petite, pour les enfants de quatre à neuf ans; la grande, pour ceux de dix à quinze ans. A six ans, donc, j’étais le premier et je recevais une croix dont j’étais très fier. »

« L’instituteur, « Monsieur le Maître », comme on l’appelait, était un excellent homme, grand, de belle prestance, avec un toupet pareil à celui de LouisPhilippe, très convaincu de ses hautes fonctions. Aidé d’un sous-maître, il dirigeait les classes avec soin et dignité. Au lutrin de l’église, c’était aussi un chantre parfait; mais on sentait une certaine rivalité entre lui et le curé, car c’était à qui des deux dominerait le pays, et le curé l’emportait sûrement. Il était pourtant bon catholique pratiquant, et l’un de ses fils est devenu dominicain. Ce brave M. Crapelet avait pris ma petite personne en estime particulière et ne cessait de faire mon éloge. Il me resta très attaché jusqu’à la fin de ses jours, arrivée il n’y a pas fort longtemps, à un âge très avancé, et ne jurant, dès mon enfance, que par les quarante de l’Académie française, il n’a jamais compris mon refus perpétuel de me présenter en, ce glorieux cénacle. Quand je lui répondais, il y a une vingtaine d’années, que, sans doute, des amis, appartenant à cette célèbre compagnie, Victor Duruy, Henri Martin, Charles Blanc, Ernest Legouvé, Henri do Bornier, Victorien Sardou, etc., me l’avaient proposé, mais que je n’ai jamais éprouvé, en rien, le moindre mouvement d’ambition, qu’en réalité je n’avais pas le temps, que je ne pourrais jamais faire une seule visite, que je préférais travailler, il ne l’admettait qu’après plusieurs minutes de réflexion sur mes travaux perpétuels.

Dans l’article dont je parlais tout à l’heure, le juge de paix de Montigny raconte que le préfet de la Haute-Marne, inspectant l’école avec les principaux édiles, fut tout surpris de voir un petit gamin frisé lever la main à chacune des questions posées, pour y répondre instantanément. Sans cesse, pour n’obtenir, d’ailleurs, que des réponses insuffisantes. »

« Je ne m’en souviens guère, car cela me paraissait tout naturel, mais je me souviens fort bien d’avoir reçu un beau cornet de dragées que je rapportai à la maison sans en avoir goûté une seule. C’était en 1848, et ce fut la date de mon premier voyage, dont je me souviens comme d’hier. Mais n’anticipons pas. »

 

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L’une des premières questions qui m’ont intrigué était de savoir sur quoi la 1 Terre repose et, si elle ne repose sur rien, pourquoi elle ne tombe pas. Il serait impossible de trouver dans aucun de mes ancêtres un état d’esprit analogue. Mes parents, d’ailleurs, se sont toujours montrés opposés à l’indépendance de mon caractère, à mes rêves scientifiques et philosophiques, à mon dédain des situations]officielles, à mon désintéressement de la fortune. Comme parents soucieux de l’avenir de leurs enfants, ils raisonnaient juste et pratiquement. Mais la qualité. J’ajouterai encore, à propos de ce nom de Flammarion, que l’on a pensé, dit et écrit que j’avais choisi là un très heureux pseudonyme littéraire. On voit qu’il n’en est rien ce nom est celui de mon père.

« Je disais donc que l’hérédité intellectuelle ne me paraît pas démontrée du tout, et me semble contraire aux faits d’observation. Mon frère et mes deux sœurs ne ressemblent intellectuellement ni à nos parents ni à moi, et ont de tout autres aptitudes que les miennes. Mes goûts astronomiques datent de toujours, et ni mon père, ni ma mère, ni aucun de mes ancêtres n’ont jamais manifesté aucune tendance vers l’étude des sciences ou de la philosophie (*). Je questionnais (*) Un ami m’a fait don d’un petit livre « Essais poétiques, par Isidore Flamarion, artiste du second théâtre français, Paris, 1823. » C’est un recueil fort intéressant. J’ai en vain cherché quelque indice pouvant faire supposer un lien de parenté quelconque entre cet auteur et ma famille. […] La question n’est pas là. Pas de ressemblance entre nos âmes voilà le fait.

J’ai eu l’occasion de m’entretenir dernièrement avec un père de famille qui à cinq enfants trois garçons et deux filles. Il les observe avec le plus constant intérêt depuis leur naissance et a constaté qu’ils diffèrent tous, radicalement et complètement, les uns des autres, par leur caractère et par leurs aptitudes. Aucune similitude d’aucun genre. Il est absolument impossible d’expliquer ces différences par l’hérédité. Mêmes parents, mêmes ancêtres, même milieu, même éducation, et pourtant différence absolue de chaque âme. (Ce père de famille est l’un de mes beaux-frères. Je pourrais en citer cent autres). Si l’hérédité intellectuelle ne me paraît pas du tout démontrée (*), il’n’en est pas de même de l’hérédité physique, qui est incontestable. Des parents sains et robustes donnent un cerveau sain et bien con et placent évidemment en d’excellentes conditions physiologiques. C’est encore là, me semble-til,- le meilleur héritage une bonne santé vaut mieux qu’une grande fortune. »

« La maison était fort hospitalière et, de temps en réunis autour de la table, bien garnie de mets savoureux préparés par ma mère, excellente et fine cuisinière, justement fière de ses talents. Après les repas, au lieu de ces toasts ennuyeux qui nous sont venus d’Angleterre, chacun devait chanter une chanson, et chacun s’en acquittait de son mieux. On nous envoyait coucher avant la fin. »

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« Mon père était plutôt sceptique, en fait de jgbligiou, mais ma mère était absolument convaincue des enseignements de l’Église catholique et considérait les juifs, les protestants, les libres-penseurs, comme des païens. Il n’y avait rien pour elle qui pût être supérieur à la dignité sacerdotale. Il était, d’ailleurs, de tradition, depuis l’époque du château, qu’un enfant de Montigny devait être prêtre, et de fait, il y eut toujours, dans le diocèse de Langres, un prêtre en exercice né à Montigny. Que son fils fût curé, puis évêque, peut-être, c’était la plus grande gloire qu’elle pouvait rêver, position respectée de tous et d’une situation sûre. C’était aussi une garantie assez logique pour l’éternité future, car le paradis, l’enfer et le purgatoire étaient pour elle d’incontestables articles de foi, et jusqu’à sa dernière heure elle a vécu dans cette conviction.

Dès l’âge de cinq ans, elle m’emmena avec elle à la messe et aux vêpres, tous les dimanches, sans exception, et je fus placé, non avec le commun des fidèles, mais à côté du curé, puis ensuite, je servis la messe régulièrement, non seulement le dimanche, mais encore à toutes les cérémonies, mariages ou enterrements. Nous verrons bientôt que je ne tardai pas à apprendre le latin. »

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« VAL-DE-MEUSE (Anciennement : Montigny-le-Roi), 6 Rue Camille Flammarion
Plaque commémorative :  » Dans cette maison naquirent / Camille Flammarion / Astronome (1842 – 1925) / Jules Ernest Flammarion / Fondateur des Éditions Flammarion / (1846 – 1936).  »

 

« Je travaillais constamment,lisant beaucoup, en dehors de mes devoirs de classe, pourle seul plaisir d’apprendre, écrivant de temps en tempsà mon grandpère, à ma grand’mère, à mes oncles et tantes, des parents âgés. En août et septembre,les vacances
s’imposaient. Elles se passaient tous les ans chez mon grand-père maternel, dansun petit village voisin de Bourmont, Illoud, étendu lelong d’un ruisseau
gazouillant qui, de mémoire d’homme, n’a jamais gelé. La vallée est étroite et semble perdue au sein des collines. J’avais, au premier étage, une petite chambre donnant sur le ruisseau et un verger, et j’aimais y écrire, mes devoirs les jours de pluie; autrement,
j’étais toujours dehors.On ne peut faire un seul pas sans grimper. Les beaux jours, on n’étaitguère à la maison que pour dormir, l’oreille bercée par le gazouillement du ruisseau, car dès le matin on partait à la Côte-, à la « Côte-la-Biche», pour ne rentrer qu’à la nuit, après avoir joyeusement dîné à midi dans la baraque pleine d’odeurs champêtres. Cette petite côte est tout simplement un bijou de la nature. Ses pentes sont couvertes de vignes, les hauteurs sont couronnées de petits bois peuplés d’oiseaux, les terrains supérieurs que l’on traverse pour y arriver sont incultes, tapissés de thym et de serpolet broutés par de petits lièvres, râblés et dodus, qui bondissent en vous voyant venir; en haut les broussailles ou les bois, au-dessous les vignes, plus bas les champs, puis des prés bordant les rives du ruisseau. L’altitude est de 470 mètres. D’en haut la vue s’étend au loin, sur toute la vallée verdoyante de la Meuse, jusqu’à Clefmont, jusqu’à Montigny, jusqu’à Bourbonne, jusqu’aux Vosges, et, au premier plan, au delà de la rivière, se dresse triomphale la noble silhouette de la petite ville de Bourmont, qui semble une citadelle avancée dominantles marches de la Lorraine voisine. On en aura une idée par la photographie reproduite ici la Meuse est cachée par les maisons du villagequi s’étendau pied du coteau, le village de Saint-Thiébaut. La vue est charmée par la grandeur et l’élégance du panorama, l’oreille par le chant des oiseaux, le souffle du vent, le bruissement des insectes, l’odorat par le parfum des plantes et de la terre. C’est un paradis, surtout pour un enfant contemplatif. Notre enfance laisse quelque chose d’elle-même aux demeures, aux choses, aux paysages, sur lesquels ont rayonné nos jours de joie sans ombre, de rêves enfantins et de pure innocence, comme une fleur communique son parfum aux objets qu’elle a touchés.

Vue Panoramique-1-2

En bas, le ruisseau, qui coule toujours, le tic-tac du moulin, ce « moulin Lomon » de la carte de l’Etat-Major, bâti par mon grand-père en 1823, et les méandres du ruisseau à travers les prairies fleuries. Et les sauterelles sautillantes, et les papillons, fleurs vivantes, et les buissons pleins de nids! »

cadastre napoleon moulin illoud-1-2

Cadastre Napoléon

ancienMoulin-1-2

l’ancien moulin devenu fromagerie.

sources :

Cliquer pour accéder à bpt6k83470m.pdf

http://picard.genea.free.fr/Illoud.htm

 

14/11/2013

Notes écrites en janvier 1915 (1. avant la déclaration de guerre 26/07 -02/08)

Filed under: Août 1914,Écrits — chrislomon @ 5:13
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Notes

Je jette ces quelques notes sur ce cahier en m’aidant de mes souvenirs encore précis, et du petit carnet sur lequel je consignais les faits de quelque valeur. Les notes sont forcément incomplètes ; mais elles m’aideront dans la suite à reconstituer une des tranches les plus intéressantes de ma vie.  Château de Bizy. Janvier 1915

086_001

26 juillet, dimanche. Les officiers en permission sont rappelés. Les feux de guerre que le bataillon devait exécuter près de Rambervillers sont décommandés. Je devais partir dans la nuit du dimanche au lundi  et j’en reçois avis à minuit.

27 juillet, lundi. Il pleut à torrent. Je ne sais ce que la tension diplomatique amènera mais elle vient de me faire éviter une étape de 40 km sous un déluge. Jusqu’au jeudi 22. travail à proximité du quartier. Mise au point de la mobilisation. je m’occupe du dossier des réquisitions de chevaux, voitures, autos.

30 juillet. les dépêches de la journée sont inquiétantes. À 22 heures, le capitaine Méry vient chez moi. J’étais en train de développer des clichés pris au quartier des voltigeurs. Et en particulier des photos du sergent Magnier sur la passerelle qui porte son nom. Le capitaine me remet un ordre de la division au sujet de la réquisition des chevaux. Je suis en effet président suppléant de la Commission de Réquisition et le Capitaine Wachenheim en est le titulaire, du moins le dossier me donne son nom pour cette fonction. Le Capitaine Méry me dit, et je le pense moi-même ,que la déclaration de guerre ne tardera pas à suivre cette mesure exceptionnelle.  Je ne suis pas long à me mettre en tenue et me rends aussitôt au quartier où je réunis les quatre secrétaires de la Commission.

Mon dossier venait d’être revu. La compagnie avait exécuté récemment la reconnaissance des chevaux et voitures. Mais l’ordre que je venais de recevoir ne m’ouvrait pas le droit de réquisition. Je fais préparer les formules de louage ou d’achat. C’est là le travail d’une partie de la nuit.

 Le capitaine Méry assiste à la mise en train de ce travail et je fais aussitôt prévenir le capitaine Wachenheim, qui nous rejoint aussitôt au quartier. À ma grande surprise, il décline la présidence. Il en avait été relevé quelques jours auparavant, et bon gré malgré, je passe de la fonction de suppléant à celle de titulaire. Mais cela ne me donne aucune inquiétude, car je suis bien au courant de ce que je dois faire.

 30 juillet, vendredi. Dès le matin, je commence un véritable métier de maquignon. Il me faut 64 chevaux pour le bataillon et 20 pour le quartier général (qg) du 43e bataillon.  Je vais tout droit chez les gros propriétaires qui doivent d’après les listes me donner 6-8 chevaux =  entreprises de transport, usiniers, épiciers en gros. Mais partout je me heurte à la même difficulté. Aucun propriétaire ne veut vendre puisque le prix budgétaire de mon barème est généralement inférieur à la valeur réelle de l’animal. De même, ils ne veulent pas louer à un moment où ils ont un besoin pressant de leurs chevaux pour terminer leurs transports pour marchandises, etc. Mais tous me disent : « si c’est la guerre, réquisitionnez ». Alors, outrepassant mes droits, j’ai réquisitionné verbalement avec cette clause c’est que je paierai le louage au prix que je débats jusqu’au jour où le réquisition deviendra définitive ou à celui auquel je les rendrai. Mais cette manière de procéder est longue et j’arrive tout juste à équiper le premier échelon dans ma journée. J’enrage de cette manière de procéder alors que l’autre permet d’arriver rapidement au résultat avec facilité et à meilleur compte.

Vers six heures, le bataillon fait son entrée à Saint-Dié, et s’installe au cantonnement. Il a bonne allure. Deux compagnies et la S. M, ont eu je crois un exercice de nuit à l’issue duquel il a fallu mobiliser. Je dis bonjour au Commandant Hennequin et lui rends compte de mon travail et de son rendement. Je continue mes opérations jusqu’à 19 heures. À ce moment, on m’avise de l’arrivée du télégramme de couverture. Je pousse un soupir de soulagement. Car le droit de réquisition étant ouvert, tout va marcher à souhait. J’arrête le louage et fait préparer le dossier qui me sera nécessaire le lendemain.

1er août, samedi. Au point du jour les hommes de la compagnie chargés d’aller requérir quittent le quartier. Je convoque le vétérinaire [espace] et le mémoire civil « notable idoine » [espace] en leur envoyant leurs lettres de service. Mes secrétaires installent le bureau. Le Maréchal met sa forge en route et à six heures du matin, les opérations commencent. Les chevaux défilent, sont requis ou non. Ceux que je conserve sont aussitôt parqués après avoir reçu, au fer chaud, leur numéro de matricule. Tout marche à souhait. Pourtant, à l’énonciation mécanique, à l’aide de mon barème, au prix que j’attribue à chaque animal, il arrive que son propriétaire s’exclame et proteste. Je passe outre, et si l’intéressé insiste, je le passe à un secrétaire qui lui donne les explications nécessaires.

Après les chevaux, je réquisitionne les voitures NC puis les autos. À 15 heures, tout est terminé et je n’ai plus qu’à arrêter ma comptabilité. J’ai réquisitionné 84 chevaux, qui ont été payés de suite à la recette municipale sur présentation de mes bons.

À savoir :

Saint-Dié 77 870 Fr.

Voivres  5997 Fr.

Saint-Jean D’ormont   2813 Fr.

Soit  86 680 Fr. pour les chevaux

À ce chiffre, il faut joindre le louage pour la journée du 30

soit 44 chevaux à 12 Fr. = 528 Fr.

J’ai réquisitionné en outre 14 voitures NC

1 auto 9000 Fr.

1 moto 1125 Fr.

1 D. 1000

1 D. 1000                        QG 43e Division

Soit 12 125 Fr.

Pour ces autos et motos, j’avais passé dans le courant de l’hiver des conventions avec leurs propriétaires. Aussi aucune difficulté de ce côté et à sept heures ces voitures étaient à leur poste.Quand tout fut terminé, j’ai été déjà passablement éreinté. J’avais déjà à mon compte deux nuits blanches et deux journées bien remplies. Absorbé par ce travail, j’ignorais après à peu près tout ce qui se passait au dehors. Mais enfin j’avais la satisfaction de voir toutes nos voitures attelées à des chevaux excellents.

2 août, dimanche. Une partie de la matinée est employée à arrêter ma comptabilité. Puis j’envoie tout le dossier au recrutement. Je suis enfin heureux de rentrer à ma Compagnie. Je n’avais qu’un faible aperçu de ce qui s’y était passé. Dans notre cantonnement déjà insuffisant, toutes les compagnies du Bataillon y recevaient leurs réservistes pour les habiller et les équiper.

C’était un joli fouillis, mais tout le monde s’en tirait parfaitement. Malheureusement, ce tableau a été attristé par un grand nombre de réservistes qui rejoignaient en complet état d’ivresse. C’était, pour la plupart, des Vosgiens, qui avaient sans doute bu leur provision d’eau-de-vie de pommes de terre au moment des adieux. Mais l’active les menait rudement et après leur incorporation, il n’y a plus eu de cas d’ivresse à constater. Les réservistes venant de l’intérieur nous disent que la mobilisation se déroule avec calme et une régularité parfaite. En ville, des fausses nouvelles absolument invraisemblables circulent sans arrêt. La compagnie est en cantonnement d’alerte. Madame Méry vient nous y ravitailler. Dans la soirée, visite de Mesdames Hennequin et Wachenheim.

18/07/2012

Un certain Louali, Officier d’Ordonnance

[Les témoignages directs, oraux comme écrits, sont des pépites. Je me souviens de mon père Maurice et de ma tante Madeleine évoquant, dans mon enfance, un personnage aux contours mystérieux : l’Officier d’Ordonnance de Papa Camille.

Un officier d’ordonnance, ou tampon ou encore  planton dans un langage plus familier, n’est pas un domestique mais une personne de confiance chargée de soulager un officier de tâches matérielles quotidiennes.

 »Dans l’immense majorité des cas des liens amicaux, voire affectifs, une certaine intimité, s’établissaient entre l’officier et l’ordonnance. C’est une fonction très délicate, réclamant savoir-faire, doigté, discrétion, intelligence, disponibilité, sens de l’anticipation, confiance réciproque… bref beaucoup de qualités.
C’est loin d’être une fonction dégradante mais au contraire une aide au commandement. » Source: Jean Riotte, pages-14-18.

Il y a bien peu de documentation sur ces officiers d’ordonnance. Comment étaient-ils affectés auprès des Officiers ? L’enquête reste à mener. Madeleine raconte qu’à sa naissance en 1922, « il y avait la bonne Gabrielle et Jousse l’ordonnance » qui l’attendaient à la maison.

Mais deux petites anecdotes ont frappé mon imaginaire d’enfant. D’abord, une phrase telle que Maurice savait les ciseler, avec la pointe d’ironie que nous lui connaissions : « Comment pourrais-je être raciste ? Le premier homme qui m’a tenu dans ses bras fut un noir ! »

Pour sa part, Madeleine raconte un épisode de sauvetage alors que, petite fille, elle s’était mise en danger : « Dans la cuisine, il y avait des meubles allemands. […] Le buffet à petites portes et petits tiroirs était contre le mur du couloir. Un jour, en l’escaladant, je m’y suis accrochée. Mon poids a suffi à faire basculer le haut. L’ordonnance Zedkawi ou Louali, à peine entré dans la pièce, a plaqué sa grande main sur ce meuble, m’évitant un bel accident. Merci. »

Maurice est né en 1930, à Épinal, alors que son père est affecté aux 27e, 17e puis au 21e RTA. On peut donc imaginer que la petite fille jouant à escalader un buffet a huit ans et que son sauveur est bien cet algérien que décrivit Maurice, un « noir », ou un « maure » comme on disait à l’époque ?

Image

Parmi les photos que l’on peut retrouver, celle d’un tirailleur Algérien. Est-ce Zedkaoui Louali ?]

 

C’est nous les Africains !

écoutez le chant des Tirailleurs Algériens ici

C’est nous les Africains
Qui revenons de loin
Nous venons des colonies
Pour sauver la Patrie
Nous avons tout quitté
Parents, gourbis, foyers
Et nous avons au cœur
Une invincible ardeur
Car nous voulons porter haut et fier
Le beau drapeau de notre France entière
Et si quelqu’un venait à y toucher
Nous serions là pour mourir à ses pieds
Battez tambours, à nos amours
Pour le pays, pour la Patrie
Mourir au loin
C’est nous les Africains.
I
Nous étions au fond de l’Afrique
Gardiens jaloux de nos couleurs,
Quand sous un soleil magnifique
A retenti ce cri vainqueur
En avant ! En avant ! En avant !
II
Pour le salut de notre empire
Nous combattons tous les vautours
La faim, la mort nous font sourire
Quand nous luttons pour nos amours
En avant ! En avant ! En avant
III
De tous les horizons de France
Groupés sur le sol africain
Nous venons pour la délivrance
Qui par nous se fera demain
En avant ! En avant ! En avant !
IV 
Et lorsque finira la guerre
Nous reviendrons dans nos gourbis ;
Le cœur joyeux et l’âme fière
D’avoir libéré le pays
En criant, en chantant : en avant !

Camille Lomon est successivement affecté :


27e Régiment de Tirailleurs Algériens à Epinal à compter du 15 novembre 1923 

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insigne du 27e RTA : on peut lire en arabe : « sans peur et sans pitié »


Affecté au 17e RTA, Epinal, à compter du 1.1.1924 (J.O. du 6.1.1924) [Le 17e de marche, créé le 10 novembre 1918 à la 166e D.l. où il remplace le 294e R.I. dissous, avec les bataillons nouveaux XV/1, XVI/5, XV/9. Source : http://www.p-rubira.com/mascara/regiments_de_tirailleurs_15_18.htm]

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insigne du 17e RTA : on peut lire en arabe : « le don de Dieu »

Promu Chef de Bataillon par Décret du 21 décembre 1929 et maintenu à l’EMPI, service de la P.M.S. et de l’I.O.R. de la 20ème Région. Il est affecté au 21e Régiment des Tirailleurs Algériens. [Le Régiment de Marche de Tirailleurs Algériens est créé en 1918 et renommé en 1920. Le 21e de marche, créé en octobre 1918 à la 8e D.l. où il remplace le 311e R.I. dissous, avec les bataillons nouveaux Xll/5, XVII/5, XVI/9. Source: http://www.p-rubira.com/mascara/regiments_de_tirailleurs_15_18.htm]

insigne du 21e RTA. La devise : « Fier comme l’aigle, Piquant comme le chardon, con comme la lune ».

4ème division d’infanterie nord-africaine: Épinal, Général Sancelme

05/07/2012

Harréville-les-Chanteurs. Un Document précieux

Filed under: Échanges d'après-guerre,Écrits,Le temps de la Retraite — chrislomon @ 9:35

Un article du Cdt Lomon publié dans Les Carnets Hauts-Marnais, N* 23, 4ème trimestre 1950, pp.128-129 (remerciements à M. Samuel Mourin pour son aide documentaire)

HARREVILLE-LES-CHANTEURS

UN PRÉCIEUX DOCUMENT
Les Harrévillois furent et sont restés de grands voyageurs. Jadis, chanteurs, montreurs de Saint-Hubert, colporteurs; hier, marchands drapiers ambulants, nombreux sont ceux qui, abandonnant leur foyer pendant de longs mois, sillonnaient les routes des provinces voisines et souvent de la France entière, pour l’exercice de leur profession.
Certains même n’hésitèrent pas à s’expatrier, et il n’est guère de pays au monde qui n’aient été babités, ou, tout au moins, parcourus par des Harrévillois.
De leur grande pratique des choses et des gens, de leur profonde expérience de la vie, tous ces routiers et voyageurs ont évidemment acquis et légué à leurs proches un ensemble très affirmé de qualités et de goûts moins discernabtes dans la manière d’être des populations ayant vécu plus repliées sur elles-mêmes ; si bien, qu’il faut reconnaître aux Harrévillois un esprit ouvert et enjoué, des cœurs affables, une aisance et un agrément tout particuliers dans leur commerce.
Cette opinion favorable ne peut être contestée, et d’ailleurs une preuve magnifique la confirme pleinement : y a-t-il beaucoup de localités qui puissent faire état d’un témoignage d’estime et d’amitié aussi beau, aussi toucbant que celui qui fut adressé aux Harrévillois par des officiers et soldats américains, 5 ans après leur séjour de quelques mois dans leur village, après la première guerre mondiale?
Le souvenir de cette manifestation est rappelé par un document précieusement gardé dans les archives communales, et dont voici l’histoire.
En juillet 1921, le Maire d’Harréville, surpris et intrigué, recevait un pli volumineux contenant une plaquette éditée sur un papier luxueux, dont le texte, en anglais, présentait un en-tête superbement enluminé, et se continuait par onze pages couvertes de signatures, 102 au total.
Deux pièces accompagnaient cet envoi inattendu, et, en premier lieu, la lettre suivante:

agence Consulaire de France. Le 9 juillet 1923.
10 Post Office square.
Boston. Massachusetts.

A Monsieur le Maire d’Harréville-les-anteurs (Haute-Marne). France.

Monsieur le Maire,

 A un banquet offert par le 104ème Régiment d’Infanterie auquel j’ai assisté, ces messieurs m’ont prié de bien vouloir être leur émissaire auprès de vous, et de vous présenter, au nom de leur régiment, un témoignage de leur gratitude et amitié, en souvenir des bons et heureux moments passés dans votre commune pendant leur séjour en France, comme officiers et soldats de l’Armée Américaine, durant la guerre.

C’est avec grand honneur que je me charge de cette mission, et je prends plaisir à vous remettre cette marque d’estime et d’amitié qui vous est offerte en toute sincérité par vos amis d’outre-mer.
Veuillez agréer, Monsieur le Maire, les sentiments de ma très haute considération.

J.C.J. FLAMAND,

Agent consulaire de France. 

Enfin, une feuille dactylographiée donnait la traduction du document ainsi présenté, dont voici la copie

A Monsieur le Maire
et à Messieurs les Citoyens d’Harréville-les-Chanteurs.
Nous, la société des anciens Officiers et soldats du 104ème R. I. de la 26ème Division Américaine, réunis dans la ville de Cambridge, Massachussetts, États-Unis d’Amérique, assemblés pendant une journée brève en souvenir de notre service dans la belle France avec les Forces Expéditionnaires Américaines, vous présentons nos salutations les plus cordiales pour vous faire savoir que nous retenons toujours en mémoire les jours passés auprès de vous, des jours dorés par votre amitié, de sorte que notre sentiment pour vous devient de plus en plus profond à mesure que passent les années.
Nous ne vous oublions pas, que vous soyez réunis dans vos foyers, que vous soyez autour de vos tables pour prendre le repas journalier ou que vous fassiez vos révérences devant vos autels, pensant peut-être à vos amis américains, vous demandant si nous pensons à vous, oui, nos bons amis, bien sûr, nous pensons à vous. Nos pensées traversent la mer pour vous retrouver; et, encore une fois, dans l’âme, nous nons promenons dans vos rues, nous sommes assis devant vos cheminées, acceptant votre hospitalité.
Veuillez recevoir, alors, nos bons amis, cette salutation du fond du coeur, car nos prières, nos sympathies, oui, même notre amour y est.

(Traduction donnée par M. le Capitaine Hartwell).

Cette lettre émouvante ne souffre aucun commneniaire; mais en vérité, il faut bien proclamer hautement que l’hommage rendu à l’hospitalité harrévilloise fait également honneur à ceux qui l’ont témoigné comme à ceux qui l’ont mérité.
Le Conseil municipal réuni au complet, en séance extraordinaire, le 17-11-1923, répondait par l’envoi du procès-verbal de sa délibération et dans les termes suivants :

« Monsieur le Président a ouvert la séance et fait connaître au Conseil qu’elle avait pour objet de lire à l’assemblée, en clôture de session, une adresse de reconnaissance et d’amitié fraternelle à M. le Maire et aux citoyens d’Harréville-les-Chanleurs, signée par Messieurs les Officiers et soldats du 104ème Régiment d’Infanterie de la 26ème Brigade Américaine, cantonnée dans cette commune, au cours de la Grande Guerre.
Le Maire et le Conseil Municipal, au nom de tous les citoyens d’Harréville qu’il représentent, furent à fait touchés d’une démarche si cordiale, remercient MM. les Officiers et Soldats du 104ème R. I. de leur souvenir si vivace en leur coeur, de leur amitié toujours de plus en plus profonde, gages si précieux de la paix entre les nations.
Donnent à vous tous, Officiers et Soldats du 104ème R. L, les salutations les plus cordiales des citoyens de cette commune, qui eux aussi, pendant les veillées au foyer familial, ou à l’occasion d’agapes fraternelles, aiment à se rappeler votre agréable et précieux séjour.
La population d’Harréville-les-’Chanieurs ne vous oubliera jamais. Le témoignage d’amitié et de reconnaissance que vous avez envoyé au-delà des mers aura la plus belle place dans nos archives communales. Nous serons heureux et fiers de le montrer aux enfants de nos écoles, aux générations futures.
Que la vie serait belle et féconde si chaque collectivité humaine faisait naître de semblables courants de chaude et bienfaisante sympathie.

Commandant LOMON.

27/03/2011

1926, une année tournante ? (1926-1929)

[1926, une année tournante dans la vie de Marie Camille Lomon : que se passe-t-il ? L’officier faisant l’admiration de ses supérieurs entre 1914 et 1925, recevant des notations invariablement élogieuses, semble, tout à coup, être en délicatesse avec une partie de sa hiérarchie. Une faute grave, comme on le décrirait dans le monde professionnel contemporain ? Non. Rien dans son dossier ne mentionne de problème majeur ni de scandale plus grave encore. Aucune condamnation mentionnée, aucune participation à une affaire relevée. Toutes les appréciations restent unanimes sur la haute tenue morale de cet officier. Alors, pourquoi trouve-t-on chez cet officier exemplaire la marque d’une lassitude et chez ses supérieurs des appréciations plus restrictives ? Un seul différend avec un supérieur aurait-il suffi à porter une ombre très légère sur un parcours militaire sans accroc ? L’enquête est ardue car les dossiers militaires sont très formalisés et ne laissent que peu de place à la fantaisie littéraire. Laissons parler les faits et faisons parallèlement valoir quelques hypothèses.

1. Quelques indices se font jour sur le préjudice d’une blessure handicapante, préjudice subi dès août 1914 et qui pèsera lourdement sur la carrière de l’officier Lomon.

Une mention sèche de 1926 semble pénaliser le Capitaine Lomon : « rend d’excellents services à la PMS et obtient de très bons résultats. N’a pas de temps de commandement. [C’est nous qui soulignons]. Le colonel cdt le 17e RTA. Signature illisible ».

Comme pour rattraper la rudesse de l’affirmation, la notation de l’année suivante est plus déliée : « Le Capitaine Lomon, toujours employé à la Préparation Militaire Supérieure, est toujours inapte au service de l’infanterie. Le non-accomplissement du temps de commandement dans son grade est et reste imputable aux conséquences d’une blessure de guerre qui a brisé, sans compensation, la carrière qu’il était en droit d’espérer [C’est nous qui soulignons]. Signé Meulle-Desjardins [cdt du 27e RTA]

2. Au travers de la notation de se supérieurs, évoquant toujours les immenses services rendus par l’officier Lomon dans son double rôle d’instructeur et d’organisateur mais qui semblent aussi, très diplomatiquement, ne plus lui voir d’avenir dans l’armée d’active ni de promotion raisonnable. 1928 « Le Capitaine Lomon continue à être employé à la PMS. Toujours inapte au service de l’Infanterie par suite de sa blessure de guerre, cet officier n’a pas accompli son temps de commandement sous le grade de capitaine. [C’est nous qui soulignons]. 2 octobre 1928. Signature illisible »

Ils sont aussi conscients que cet officier ne prend plus de galon pour la même raison : « 1929. Très ancien de grade, le Capitaine Lomon sera nommé à l’ancienneté [C’est nous qui soulignons] Chef de bataillon dans le courant de l’année 1930. »

Il est intéressant de relever qu’entre la première proposition au grade de Chef de Bataillon et l’obtention de ce grade, il se passera .. longues années.

3. Marie Camille Lomon fait valoir ses droits à la retraite sur les deux articles 145 et 146. Or, seul l’article 146 sera retenu en dernière instance.

On trouve ainsi dans le récapitulatif livré par son fils Maurice la mention suivante : « Admis à la retraite sur sa demande (forcée) par application de l’article 146 de la Loi du 31 mai 1927 sur le dégagement des cadres, mettant à la porte les blessés inaptes à un commandement actif, à compter du 16 novembre 1933 et promu à cette date Chef de Bataillon de réserve. »]

Guide de lecture

Filed under: Écrits — chrislomon @ 10:26

[Écrire ce blog historique sur Marie Camille Lomon est faire œuvre de philologie. Il s’agit donc de respecter les sources, les manuscrits et le travail patient et ingrat des auteurs. Afin de maintenir intact la trace de différents textes et leur stratification, j’ai choisi la méthode suivante :

Sauf indication contraire, les textes en italique sont de la main de Maurice Lomon († 2006) et doivent être cités comme tels, selon les règles en vigueur.

Les textes entre [ ] et les textes écrits en bleu (tirés du Dossier Militaire que j’ai consulté les 26 & 28 mars 2011) sont le fruit de Christophe Lomon et sont protégés au titre de la propriété intellectuelle. Leur exploitation est soumise à autorisation préalable.

Certains crédits photographiques sont encore à préciser, et à ce titre, ne peuvent être utilisés ou publiés en l’état sans vérification ni autorisation préalables. Les photographies marquées « © ChL » sont propriété de Christophe Lomon. Leur utilisation est soumise à autorisation préalable.

Le Dossier Militaire de Marie Camille Lomon est en dépôt à Vincennes, au Service Historique de la Défense qui est le centre d’archives du Ministère de la Défense.

[Salle de lecture Louis XIV © ChL]

Numéro de cote du dossier GR 8 YE 39134

[© ChL]

Numéro de Dossier 39134, Ouvert en 1941]

26/03/2011

Envisager l’homme privé

Filed under: Envisager l'homme privé — chrislomon @ 11:58

[Reconstituer le portrait d’un homme que l’on n’a jamais croisé est une tâche malaisée. On le sait depuis le début du 20ème siècle quand théologiens et historiens se sont lancés, avec une rigueur toute scientifique, sur les traces du Jésus historique. Nous n’avons plus de témoins directs depuis 2008 et ces derniers admirateurs avaient respectivement 30 et 38 ans lors du décès de Marie Camille Lomon. Fort heureusement, son fils Maurice lui portait une admiration sans bornes et s’est attaché à préserver le maximum de documents. Alors que nous montre cette mosaïque une fois les tesselles ré-assemblées ?

Par son éducation et son parcours, Marie Camille Lomon est un homme provincial du 19 ème siècle. Modeste, par ses origines. Réservé et besogneux de tempérament, comme le souligne les notations qu’il reçoit de ses supérieurs.]

– fils d’un garde forestier, il se destine lui-même aux Eaux et Forêts dans le Sud de la Haute-Marne, ces Vosges de la plaine et cette Lorraine des thermes romains.

– Nous avons plusieurs portraits de lui, souvent en uniforme(s) :

le jeune homme de moins de 25 ans :

– Son « Livret Matricule d’Officier » le décrit ainsi en avril 1907 [il a donc 27 ans] :

[© ChL]

« signalement : Cheveux et sourcils noirs; Yeux jaunes; Front découvert; Nez petit; Bouche petite; Menton rond; Visage ovale; Taille 1m57 »


– l’homme dans la force de l’âge

– l’homme dans sa maturité

*

*          *

Un dossier médical chargé

[L’homme est donc de petite taille (1m57).

Dans son enfance, Marie Camille Lomon est à plusieurs époques pénalisé par son état de santé. Adulte, bien que jugé vigoureux et de bonne constitution, l’homme sera souvent affecté par la maladie et connaîtra plusieurs hospitalisations comme l’indiquent Maurice Lomon ou le Dossier Militaire :]

– [Au] Collège de Langres où il se décide à entrer en 4ème moderne le 1er octobre 1896. Il y est interne. Un mois après une grave scarlatine stoppait un excellent départ et, un an après, en 3ème moderne, une angine phlegmoneuse et un état général déficient le contraignent à quitter l’enseignement secondaire avec le certificat d’études du 1er cycle et après avoir subi avec succès l’examen d’entrée à l’Ecole Forestière des Barres (Ecole Nationale de Sylviculture) à Nogent-sur-Vernisson (Loiret).

– Blessé en août 1914, il entre à l’hôpital auxiliaire numéro 8 à Autun le 26 août 1914. Sorti le 16 novembre et évacué sur le dépôt de convalescents d’Autun puis sur celui du château de Bizy (Nièvre) et rejoint son dépôt à Corlée le 16 février 1915.

– Évacué sur l’hôpital d’armée n° 1 à Saint-Nicolas de Port (peste) le 13 octobre 1918.

– Évacué sur l’hôpital militaire Sédillot à Nancy le 24 février 1940, sorti le 12 mars 1940 et part en convalescence un mois à Neufchâteau.

Entré à l’hôpital complémentaire du Collège de Garçons de Neufchâteau pour hypertension le 12/04/1940. Sorti de l’hôpital le 24 avril avec un congé de convalescence de 30 jours. [HA 202, 30 rue Ste Marie, 201 lits]

[© ChL]

[La blessure au pied de Marie Camille Lomon fera l’objet d’une expertise en 1933 et ouvrira droit à une pension d’invalidité]

Certificat d’expertise médicale (Révision pour aggravation) en date du 15 septembre 1933
délivré par le Dr Marc Barthélémy, Professeur agrégé de chirurgie à la Faculté de Médecine, Médecin surexpert

Séquelle de blessure par éclat d’obus de la région tarso-métatarsienne externe du pied droit…

L’extosose plantaire est la principale cause des troubles fonctionnels. Elle existe sans modification depuis 1919, telle que l’indique une radiographie de cette époque. Aucun changement n’est survenu depuis cette date. [souligné dans le texte, NDLR]

 

[extrait du rapport médical, © ChL]

En conséquence, estimons :
1. que le degré d’invalidité en peut être évalué à …. 20%

3. Nécessitent : le maintien en activité

[De l’enfant fragile et de l’officier blessé au front à  l’homme vieillissant naturellement, il se passera tout de même … 80 ans … (1880-1960). Et une mort par arrêt du cœur, lors d’une balade… Pas si mal!]

*

*          *

[- Son profil psychologique « officiel », tel que consigné dans son dossier militaire, pourrait tenir en trois mots : « dévoué, ingénieux, énergique. »

mais aussi discret et sans histoire (« Affaires auxquelles l’officier a pris part : [vierge fait apparaître le dossier, nous ne sommes jamais que quelques années après l’affaire Dreyfus, NDLR] »)

Les années spinaliennes (1922-1934)

Filed under: Les années spinaliennes (1922-1934) — chrislomon @ 10:58

Par suite de la relève des officiers de l’EM A.F.R prescrite par le Maréchal Pétain, il est détaché à l’EM de la 11ème [13e ? NDLR ] Division d’Infanterie à Epinal, à compter du 3 mars 1922 et maintenu sur place pour assurer la liquidation de cette Division appelée à occuper la Ruhr.

Note 1922 : « Très bon officier d’E-M., expérimenté, le Capitaine Lomon possède les aptitudes voulues pour s’occuper plus spécialement des questions afférentes au 1er Bureau et s’acquitte de ses fonctions avec un zèe et une compétence dignes d’éloges. Nature calme, caractère franc, excellent officier, tout à fait apte à être nommé Chef de bataillon.» le 16 septembre 1922. Le Commandant Dutrein, Chef de Bataillon de la 13e Division

Affecté au 149e R.I. à Epinal par D.M. du 8 décembre 1922.

Instructeur, Service de la P.M.S. à partir du 1er septembre 1923 (Décision du Gal Cdt le 20e C.A.)

Note : […]« Travailleur méthodique et consciencieux, il a une intelligence très vive.» Epinal, le 12 septembre 1923 Le chef de bataillon Jougnac commandant la portion centrale du 149e

Affecté provisoirement au 27e Régiment de Tirailleurs Algériens à Epinal à compter du 15 novembre 1923 et détaché en qualité de Directeur du Centre de Préparation Militaire supérieure et d’Instruction des Officiers de Réserve du Département des Vosges, créé à Epinal, moins l’arrondissement de Neufchâteau.

[insigne du 27e RTA : on peut lire en arabe : « sans peur et sans pitié »]

Affecté au 17e RTA, Epinal, à compter du 1.1.1924 (J.O. du 6.1.1924)

[Photographie du Dossier Militaire. © ChL]



Désigné pour occuper l’emploi d’instructeur au cadre permanent de la P.M.S. et de l’I.O.R. (service)

[Photo datée de mai 1926. Terrain de manoeuvre de la Vierge]

Affecté à l’E.M. particulier de l’Infanterie et chargé des contrôles du Corps en date du 1er décembre 1928

Classé à titre permanent au service de la P.M.S. et de l’I.O.R. par D.M. du 21 novembre 1928 (J.O. du 25.11.28)

Promu Chef de Bataillon par décret du 21 décembre 1929 [Il est proposé à ce grade pour la première fois en 1922, comme l’indique la note de 1922 (voir ci-dessus). Pourquoi aura-t-il fallu qu’il attende 11 ans pour être promu ? NDLR] (J.O. du 29.12.1929) pour prendre rang du 24 décembre 1929.

Affecté au 21e R.T.A. (Major) prendra ses fonctions au départ du titulaire. D.M. du 7.8.1933, J.O. du 10.8.1933

Proposé pour le maintien en activité et pension définitive de 20% par la Commission de Réforme de Nancy 15.9.1933 pour séquelle de blessure.

Par D.M. du 13 novembre 1933 est admis à la retraite et rayé des contrôles de l’armée active (J.O. du 15.11.33)

Se retire provisoirement à Epinal, 15 rue de Nancy.

Rayé des contrôles du 21 R.T.A. le 16 novembre 1933.

Par décret du 14.2.1934 est nommé dans la Réserve de l’Infanterie au grade de Chef de Bataillon à dater de sa radiation des contrôles de l’armée active et par décision du même jour est affecté au Centre de Mobilisation d’Infanterie No 205 (J.O. No 43 des 19 et 20.2.1934, page 1706)

Chef de bataillon de Réserve le 15/8/1933

Note 1922 : « Très bon officier d’E-M., expérimenté, le Capitaine Lomon possède les aptitudes voulues pour s’occuper plus spécialement des questions afférentes au 1er Bureau et s’acquitte de ses fonctions avec un zèle et une compétence dignes d’éloges. Nature calme, caractère franc, excellent officier, tout à fait apte à être nommé Chef de bataillon.» le 16 septembre 1922. Le Commandant Dutrein, Chef de Bataillon de la 13e Division

Maintenu dans les cadres et sur sa demande et de droit par application de l’article 11 de la loi du 8.1.1925

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