Marie Camille Lomon et le 31e BCP

14/11/2013

Notes écrites en janvier 1915 (1. avant la déclaration de guerre 26/07 -02/08)

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Notes

Je jette ces quelques notes sur ce cahier en m’aidant de mes souvenirs encore précis, et du petit carnet sur lequel je consignais les faits de quelque valeur. Les notes sont forcément incomplètes ; mais elles m’aideront dans la suite à reconstituer une des tranches les plus intéressantes de ma vie.  Château de Bizy. Janvier 1915

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26 juillet, dimanche. Les officiers en permission sont rappelés. Les feux de guerre que le bataillon devait exécuter près de Rambervillers sont décommandés. Je devais partir dans la nuit du dimanche au lundi  et j’en reçois avis à minuit.

27 juillet, lundi. Il pleut à torrent. Je ne sais ce que la tension diplomatique amènera mais elle vient de me faire éviter une étape de 40 km sous un déluge. Jusqu’au jeudi 22. travail à proximité du quartier. Mise au point de la mobilisation. je m’occupe du dossier des réquisitions de chevaux, voitures, autos.

30 juillet. les dépêches de la journée sont inquiétantes. À 22 heures, le capitaine Méry vient chez moi. J’étais en train de développer des clichés pris au quartier des voltigeurs. Et en particulier des photos du sergent Magnier sur la passerelle qui porte son nom. Le capitaine me remet un ordre de la division au sujet de la réquisition des chevaux. Je suis en effet président suppléant de la Commission de Réquisition et le Capitaine Wachenheim en est le titulaire, du moins le dossier me donne son nom pour cette fonction. Le Capitaine Méry me dit, et je le pense moi-même ,que la déclaration de guerre ne tardera pas à suivre cette mesure exceptionnelle.  Je ne suis pas long à me mettre en tenue et me rends aussitôt au quartier où je réunis les quatre secrétaires de la Commission.

Mon dossier venait d’être revu. La compagnie avait exécuté récemment la reconnaissance des chevaux et voitures. Mais l’ordre que je venais de recevoir ne m’ouvrait pas le droit de réquisition. Je fais préparer les formules de louage ou d’achat. C’est là le travail d’une partie de la nuit.

 Le capitaine Méry assiste à la mise en train de ce travail et je fais aussitôt prévenir le capitaine Wachenheim, qui nous rejoint aussitôt au quartier. À ma grande surprise, il décline la présidence. Il en avait été relevé quelques jours auparavant, et bon gré malgré, je passe de la fonction de suppléant à celle de titulaire. Mais cela ne me donne aucune inquiétude, car je suis bien au courant de ce que je dois faire.

 30 juillet, vendredi. Dès le matin, je commence un véritable métier de maquignon. Il me faut 64 chevaux pour le bataillon et 20 pour le quartier général (qg) du 43e bataillon.  Je vais tout droit chez les gros propriétaires qui doivent d’après les listes me donner 6-8 chevaux =  entreprises de transport, usiniers, épiciers en gros. Mais partout je me heurte à la même difficulté. Aucun propriétaire ne veut vendre puisque le prix budgétaire de mon barème est généralement inférieur à la valeur réelle de l’animal. De même, ils ne veulent pas louer à un moment où ils ont un besoin pressant de leurs chevaux pour terminer leurs transports pour marchandises, etc. Mais tous me disent : « si c’est la guerre, réquisitionnez ». Alors, outrepassant mes droits, j’ai réquisitionné verbalement avec cette clause c’est que je paierai le louage au prix que je débats jusqu’au jour où le réquisition deviendra définitive ou à celui auquel je les rendrai. Mais cette manière de procéder est longue et j’arrive tout juste à équiper le premier échelon dans ma journée. J’enrage de cette manière de procéder alors que l’autre permet d’arriver rapidement au résultat avec facilité et à meilleur compte.

Vers six heures, le bataillon fait son entrée à Saint-Dié, et s’installe au cantonnement. Il a bonne allure. Deux compagnies et la S. M, ont eu je crois un exercice de nuit à l’issue duquel il a fallu mobiliser. Je dis bonjour au Commandant Hennequin et lui rends compte de mon travail et de son rendement. Je continue mes opérations jusqu’à 19 heures. À ce moment, on m’avise de l’arrivée du télégramme de couverture. Je pousse un soupir de soulagement. Car le droit de réquisition étant ouvert, tout va marcher à souhait. J’arrête le louage et fait préparer le dossier qui me sera nécessaire le lendemain.

1er août, samedi. Au point du jour les hommes de la compagnie chargés d’aller requérir quittent le quartier. Je convoque le vétérinaire [espace] et le mémoire civil « notable idoine » [espace] en leur envoyant leurs lettres de service. Mes secrétaires installent le bureau. Le Maréchal met sa forge en route et à six heures du matin, les opérations commencent. Les chevaux défilent, sont requis ou non. Ceux que je conserve sont aussitôt parqués après avoir reçu, au fer chaud, leur numéro de matricule. Tout marche à souhait. Pourtant, à l’énonciation mécanique, à l’aide de mon barème, au prix que j’attribue à chaque animal, il arrive que son propriétaire s’exclame et proteste. Je passe outre, et si l’intéressé insiste, je le passe à un secrétaire qui lui donne les explications nécessaires.

Après les chevaux, je réquisitionne les voitures NC puis les autos. À 15 heures, tout est terminé et je n’ai plus qu’à arrêter ma comptabilité. J’ai réquisitionné 84 chevaux, qui ont été payés de suite à la recette municipale sur présentation de mes bons.

À savoir :

Saint-Dié 77 870 Fr.

Voivres  5997 Fr.

Saint-Jean D’ormont   2813 Fr.

Soit  86 680 Fr. pour les chevaux

À ce chiffre, il faut joindre le louage pour la journée du 30

soit 44 chevaux à 12 Fr. = 528 Fr.

J’ai réquisitionné en outre 14 voitures NC

1 auto 9000 Fr.

1 moto 1125 Fr.

1 D. 1000

1 D. 1000                        QG 43e Division

Soit 12 125 Fr.

Pour ces autos et motos, j’avais passé dans le courant de l’hiver des conventions avec leurs propriétaires. Aussi aucune difficulté de ce côté et à sept heures ces voitures étaient à leur poste.Quand tout fut terminé, j’ai été déjà passablement éreinté. J’avais déjà à mon compte deux nuits blanches et deux journées bien remplies. Absorbé par ce travail, j’ignorais après à peu près tout ce qui se passait au dehors. Mais enfin j’avais la satisfaction de voir toutes nos voitures attelées à des chevaux excellents.

2 août, dimanche. Une partie de la matinée est employée à arrêter ma comptabilité. Puis j’envoie tout le dossier au recrutement. Je suis enfin heureux de rentrer à ma Compagnie. Je n’avais qu’un faible aperçu de ce qui s’y était passé. Dans notre cantonnement déjà insuffisant, toutes les compagnies du Bataillon y recevaient leurs réservistes pour les habiller et les équiper.

C’était un joli fouillis, mais tout le monde s’en tirait parfaitement. Malheureusement, ce tableau a été attristé par un grand nombre de réservistes qui rejoignaient en complet état d’ivresse. C’était, pour la plupart, des Vosgiens, qui avaient sans doute bu leur provision d’eau-de-vie de pommes de terre au moment des adieux. Mais l’active les menait rudement et après leur incorporation, il n’y a plus eu de cas d’ivresse à constater. Les réservistes venant de l’intérieur nous disent que la mobilisation se déroule avec calme et une régularité parfaite. En ville, des fausses nouvelles absolument invraisemblables circulent sans arrêt. La compagnie est en cantonnement d’alerte. Madame Méry vient nous y ravitailler. Dans la soirée, visite de Mesdames Hennequin et Wachenheim.

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