Marie Camille Lomon et le 31e BCP

28/11/2008

Une biographie de Marie Camille Lomon rédigée par son fils Maurice et annotée et illustrée par son petit-fils Christophe

[Novembre 2008 : La France commémore les quatre-vingt-dix ans de l’armistice de la « Grande Guerre » et je me rends compte que nous avons, à portée de main, des sources premières, vivantes, brûlantes, celles dont les historiens raffolent… Ces sources restaient sous-exploitées alors que la recherche historique est gourmande, gourmande…


Pour rédiger cette « bio », je suis parti d’un simple, mais copieux, 4ème de couverture, écrit par Maurice Lomon, retraçant, dans les grandes lignes, le parcours de son père, qu’il vénérait comme un Saint, Marie Camille Lomon.

Ensuite, je suis allé sur de sérieux sites de mise en partage d’informations sur 1914-1918, qui ont une réactivité digne des meilleurs chasseurs. En quelques heures, un compagnon d’armes m’a dégainé deux citations (« militaires », pas littéraires) sur l’officier Lomon…


Suite à ma visite à Bar-le-Duc le 11 décembre 2008, mon frère, Max Lomon, m’a sorti, de dessous les fagots, un livret que Maurice Lomon, notre père, lui a dédicacé « affectueusement ». Il recèle une mine étonnante d’informations sur le parcours militaire de Camille Lomon. Ce texte manuscrit est incroyablement précis et détaillé. Il nous pose une série de questions de méthodologie : quelles sont les sources ? qui les a exploitées ?

Mars 2011, le dossier militaire, archivé à Vincennes, est désormais consultable!

Je m’y suis rendu pour relever un nombre considérable d’informations précieuses. Ces « mises à jour 2011 » sont visibles dans ce site grâce au code couleur bleu.

Novembre 2013, mon frère Nicolas me fait parvenir les scans d’un cahier de notes daté de janvier 1915, notes qui portent sur une période très courte. Les jours de juillet qui précèdent l’entrée en guerre et les premiers jours d’août.  Le manuscrit original est pour sa part allé rejoindre le dossier militaire de Marie-Camille Lomon à Vincennes où nous avons choisi de le rendre consultable par le public. Le contenu de ce cahier sera publié ici dans les meilleurs délais…

La recherche est sans fin et tant mieux ! C’est une enquête qui s’enrichit d’elle-même. Elle interpelle les plus jeunes générations arrivées après « nous ». Celles qui se questionneront et se réjouiront de ne pas trop peiner à trouver des réponses à leurs premières questions… alors que nous… continuons encore notre enquête… ]

A toutes fins utiles, merci de bien vouloir lire le Guide de lecture de ce blog en suivant ce lien.

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[Silhouette, non datée, de MC L, © ChL]


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[Les années d’enfance et de formation

Fils de Nicolas Eugène Lomon et de Julie Royer, Marie Camille Lomon est né le 16 août 1880, à Autreville sur la Renne. [pour le détail, merci de suivre ce lien]


Marie Camille Lomon, soldat du rang et sous-officier (1900-1906) [pour le détail, merci de suivre ce lien]


Engagé volontaire pour trois ans et incorporé au 122e Régiment d’Infanterie à Montpellier à compter du 17 octobre 1900. Caporal le 21 avril 1901. Sergent fermier faisant fonction de Sergent major le 20 janvier 1902.

La forêt ou l’armée ?

Vers le mois d’Avril 1902, il reçoit une lettre du Directeur de l’école des Barres l’avisant que les dispenses d’âge pour entrer à cette école avant 25 ans – âge légal – étaient supprimées et que devant cette décision, il avait le choix de rester dans l’armée active jusqu’à la date de son admission à l’école afin d’éviter une interruption des services militaires et forestiers ou d’accepter d’entrer au service de l’administration en qualité d’employé civil dans un bureau d’agent, percevant un salaire journalier misérable…


Ce fut un coup dur, brutal, inattendu pour le jeune sergent, voyant ses projets d’avenir compromis et souffrant de la mesure administrative illégale dans ses effets rétro-actifs qui tuait la vocation impérieuse le poussant vers la Forêt à qui son père et son grand-père avaient consacré leur existence… Il opte pour l’Armée !

Rengagé pour deux ans, avec peine, le 20 août 1903, à compter du 15 octobre suivant, puis engagé pour trois ans à compter du 15 octobre 1905. Sous-officier, ses dispositions naturelles lui ouvrent, quelques années plus tard, les portes de l’Ecole Militaire de Saint-Maixent, le 2 avril 1906, d’où il sort en 1906 avec le grade de sous-lieutenant. Classé 81ème sur 191.

Le jeune officier (1907-1914) [pour le détail, merci de suivre ce lien]


Promu Sous-Lieutenant le 1er Avril 1907 [au 79e R.I]. Par décret en date du 25 mars 1909, M. le Sous-Lieutenant Lomon a été promu au grade de Lieutenant, pour prendre rang du 1er avril 1909.

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[voir les photos du 79e RI à Nancy sur le site de François Munier]


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[par le plus grand des hasards, cette caserne est aussi le lieu où j’ai effectué mes « trois jours », dans la seconde moitié des années 80, peu avant que la conscription ne soit définitivement supprimée, sous la Présidence de Jacques Chirac, au profit d’une armée de métier.]

Affecté au 31e Bataillon de Chasseurs à Pied par Décret Militaire du 9 juillet 1913 à Corcieux.

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L’entrée dans la guerre, sa blessure [pour le détail, merci de suivre ce lien]


C’est comme Lieutenant qu’il est détaché avec ses frères d’armes du 31e Bataillon des Chasseurs à Pied le 2 août 1914 sur le Front de l’Ouest.



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[plaques d’identification portées au cou et au poignet.

L’une des deux [médailles ou parties de médaille, visiblement découpable ?] restait sur le corps et la seconde permettait de renseigner la mort du combattant. © ChL]


Blessé le 23 août 1914 au combat de Pexonne, pied droit écrasé par un éclat d’obus, il est évacué.



Il doit quitter le commandement armé pour devenir officier d’Etat-Major, notamment de la VIIIème armée en occupation en Allemagne.


L’officier d’État-Major (1915-1918) [pour le détail, merci de suivre ce lien]


Promu Capitaine par décret du 2 juillet 1915 (J.O. du 3 juillet 1915), il est détaché à l’État-Major de l’Armée de Lorraine, Q.G.A. à Saint-Nicolas puis à Tantonville.

Détaché à l’E.M. de la (nouvelle) VIIIe armée, Q.G.A à Tantonville puis à Flavigny-sur-Moselle.

[L’officier d’État-Major (brassard) © ChL]

[Ordre de service N° 4450 -6/11. Le Ministère de la Guerre informe M. Lomon, Capitaine au 31e BCP qu’il est détaché à l’État-Major du détachement d’Armée de Lorraine (Section du Courrier)… M. le Capitaine Lomon se rendra à son poste, dans le plus bref délai possible, par la gare régulatrice de Gray. Cette lettre lui servira de titre dans l’exercice de ses fonctions. Paris, le 10 juillet 1916].


Évacué sur l’hôpital d’armée n° 1 à Saint-Nicolas-de-Port (peste) le 13 octobre 1918.

Sorti le 30 octobre et parti à cette date en convalescence à Goncourt, qu’il quitte le 11 novembre 1918 (armistice) pour rejoindre en toute hâte l’EMA VIII qui se porte sur le Rhin avec ses grandes unités, par Saverne (du 18 au 23 novembre) et Haguenau (du 24 novembre au 1er décembre 1918).


L’Officier d’État-Major en Allemagne occupée (1918-1922), [pour le détail, merci de suivre ce lien]

En occupation en Rhénanie (Palatinat) à compter du 2 décembre 1918, Q.G.A Landau.

Détaché de l’EMA à Spire, siège du gouvernement provincial bavarois, en qualité de Chef de ravitaillement des populations civiles du Palatinat à compter du 13 mars 1919.


Affecté à l’EM de l’armée du Rhin, 4ème Bureau, le 12 octobre 1919 et maintenu dans ses fonctions à Spire.


Rappelé à l’EM A.F.R. 4ème Bureau Ravitaillement puis mobilisation, le 20 mai 1920 à Mayence.


Il se marie à Harréville-les-Chanteurs, le 6 août 1921, avec Lucie Drouot. [pour le détail, merci de suivre ce lien]


Présenté le 13 janvier 1922 devant la Commission spéciale de Réforme, siégeant à Strasbourg, qui propose au Ministre son maintien à l’activité, son classement au nombre des inaptes à l’infanterie, avec une pension définitive au taux de … 20% !


Affecté à l’EM de l’infanterie par D.M. du 29 avril 1920 et maintenu à l’EM de l’armée du Rhin, en continuant à porter son uniforme de Chasseur à pied du 31ème Bataillon.


Retour en Lorraine, les années spinaliennes : 1922- 1934 [pour le détail, merci de suivre ce lien]

Par suite de la relève des officiers de l’EM A.F.R prescrite par le Maréchal Pétain, il est détaché à l’EM de la 11ème Division d’Infanterie à Epinal, à compter du 3 mars 1922 et maintenu sur place pour assurer la liquidation de cette Division appelée à occuper la Ruhr.


Affecté au 149e R.I. à Epinal par D.M. du 8 décembre 1922.


Affecté provisoirement au 27e Régiment de Tirailleurs Algériens à Epinal à compter du 15 novembre 1923 et détaché en qualité de Directeur du Centre de Préparation Militaire supérieure et d’Instruction des Officiers de Réserve du Département des Vosges, créé à Epinal, moins l’arrondissement de Neufchâteau.


Affecté au 17e Régiment des Tirailleurs Algériens et maintenu dans son emploi par D.M. du 21 novembre 1928.


Promu Chef de Bataillon par Décret du 21 décembre 1929 et maintenu à l’EMPI, service de la P.M.S. et de l’I.O.R. de la 20ème Région.

Affecté au 21e Régiment des Tirailleurs Algériens. 


La Retraite de Lorraine : entre Épinal et Harréville-les-Chanteurs (1927-1940) [pour le détail, merci de suivre ce lien]

Admis à la retraite sur sa demande (forcée) par application de l’article 146 de la Loi du 31 mai 1927 sur le dégagement des cadres, mettant à la porte les blessés inaptes à un commandement actif, à compter du 16 novembre 1933 et promu à cette date Chef de Bataillon de réserve.

Se retire à Épinal, 15 rue de Nancy puis à Neufchâteau, 21 rue Neuve, le 20 octobre 1934.


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Rappelé à l’activité par convocation des réservistes, fascicule 2 et rejoint Epinal le 25 septembre 1938. EM de la Place d’où il est détaché, le 30 septembre 1938 pour aller rétablir une situation difficile et dramatique du Centre de Mobilisation de Pouxeux.


Libéré le 11 octobre 1938.

Rappelé à la mobilisation générale du 2 septembre 1939 et prend le même jour à Nancy les fonctions d’adjoint au Directeur des Services de la Préparation Militaire élémentaire et supérieure, de l’éducation physique de la 20ème région.


Affecté au contrôle des affectés spéciaux, pour récupérer les embusqués, en qualité de Président de la commission départementale de contrôle pour le Meurthe-et-Moselle à compter du 16 février 1940.

Évacué sur l’hôpital militaire Sédillot à Nancy le 24 février 1940, sorti le 12 mars 1940 et part en convalescence un mois à Neufchâteau.

Évacué sur l’hôpital complémentaire du Collège de Garçons de Neufchâteau.


Entré le 12 et sorti le 24 avril 1940. Présenté devant la commission de Réforme d’Epinal le 30 avril 1940 et proposé pour la mise en non-activité pour informités temporaires (!) décision que le Ministre de la Guerre n’a pu rendre et n’a jamais été notifiée…


Devant l’avance allemande, et se considérant comme toujours en activité, il quitte Harréville avec sa famille pour gagner un abri et ne pas tomber aux mains de l’ennemi, mais ne peut franchir la Marne devant Langres, séjourne à Montigny-le-Roi et peut enfin regagner son domicile après 17 jours de vie aventureuse et combien attristante.

Quelques jours après, il trouve son appartement gravement détérioré par les effets de deux bombes éclatées à peu de distance et… mis à sac.

De ce fait, il a fallu s’installer définitivement à Harréville, récupérer le mobilier en perdition à Neufchâteau, subir les misères, les privations et les laideurs de l’occupation et de la libération, puis prendre sa bonne part des soufffrances, déceptions et lourdes charges d’un peuple ruiné, aveuglé, démoralisé par de farouches luttes partisannes et se livrant à des expériences politiques et économiques désastreuses…


L’heure de la retraite


A la retraite, Camille Lomon ne reste pas inactif pour autant et dirige le comité d’assistance aux prisonniers de guerre – « …ces soldats qui se battent encore… » et dont il s’occupe avec soin et un zèle reconnus et appréciés de tous.


Parallèlement à ces occupations officielles, il franchit de nombreuses fois la porte de la Mairie où le Secrétaire (presque perpétuel) et les Maires successifs lui ont toujours réservé le meilleur accueil pour faciliter sa recherche permanente des éléments qui lui ont permis de réconstituer le passé de son village. [Maurice Lomon fait ici allusion à la monographie écrite par Camille Lomon et que ses deux enfants publièrent à titre posthume : Poussières du passé. Harréville-les-Chanteurs et le Prieuré Saint-Calixte. Imprimerie Christmann – Essey-lès-Nancy, 2001.]


Nommé Président du Comité cantonal du Souvenir Français de Bourmont, il lance le projet d’un monument à la mémoire des héroïques tirailleurs du  12e RTS [Régiment des Tirailleurs Sénégalais] tués au combat. Il sera  inauguré le 6 juillet 1958 avec tout le recueillement et la solennité voulus.


Au cours d’une ultime balade dans les rues familières de ce village d’Harréville qu’il a véritablement aimé, Camille Lomon est terrassé par une crise cardiaque au cœur du pays : il vient de terminer son histoire à lui…


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C’était le 16 septembre 1960.

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