[Les témoignages directs, oraux comme écrits, sont des pépites. Je me souviens de mon père Maurice et de ma tante Madeleine évoquant, dans mon enfance, un personnage aux contours mystérieux : l’Officier d’Ordonnance de Papa Camille.
Un officier d’ordonnance, ou tampon ou encore planton dans un langage plus familier, n’est pas un domestique mais une personne de confiance chargée de soulager un officier de tâches matérielles quotidiennes.
Il y a bien peu de documentation sur ces officiers d’ordonnance. Comment étaient-ils affectés auprès des Officiers ? L’enquête reste à mener. Madeleine raconte qu’à sa naissance en 1922, « il y avait la bonne Gabrielle et Jousse l’ordonnance » qui l’attendaient à la maison.
Mais deux petites anecdotes ont frappé mon imaginaire d’enfant. D’abord, une phrase telle que Maurice savait les ciseler, avec la pointe d’ironie que nous lui connaissions : « Comment pourrais-je être raciste ? Le premier homme qui m’a tenu dans ses bras fut un noir ! »
Pour sa part, Madeleine raconte un épisode de sauvetage alors que, petite fille, elle s’était mise en danger : « Dans la cuisine, il y avait des meubles allemands. […] Le buffet à petites portes et petits tiroirs était contre le mur du couloir. Un jour, en l’escaladant, je m’y suis accrochée. Mon poids a suffi à faire basculer le haut. L’ordonnance Zedkawi ou Louali, à peine entré dans la pièce, a plaqué sa grande main sur ce meuble, m’évitant un bel accident. Merci. »
Maurice est né en 1930, à Épinal, alors que son père est affecté aux 27e, 17e puis au 21e RTA. On peut donc imaginer que la petite fille jouant à escalader un buffet a huit ans et que son sauveur est bien cet algérien que décrivit Maurice, un « noir », ou un « maure » comme on disait à l’époque ?
Parmi les photos que l’on peut retrouver, celle d’un tirailleur Algérien. Est-ce Zedkaoui Louali ?]